Des décennies de crise dans les services sociaux à Genève, en Suisse : Quand l’inefficacité brise les familles

SPMi Building

Une récente séquence sur Léman Bleu TV, une chaîne locale genevoise couvrant l’audience à la Cour des comptes, a révélé des défaillances systémiques dans la manière dont les services sociaux gèrent le placement des enfants et le soutien apporté à leurs familles. Alors que la protection de l’enfance est soumise à une pression considérable, ces systèmes semblent privilégier la bureaucratie au détriment du bien-être des enfants et des familles. Les résultats, associés à des expériences personnelles comme la mienne, brossent un tableau troublant de la manière dont l’inefficacité peut détruire des vies.

Constatations de la Cour des comptes : Un système sous pression

Cette séquence met en évidence des lacunes importantes dans la manière dont les services sociaux abordent le placement des enfants et leurs interactions avec les familles. Isabelle Terrier, premier magistrat à la Cour des comptes, souligne l’importance d’objectifs clairement définis pour les parents dont les enfants ont été placés. Selon elle, “il semble très important que le parent sache exactement les conditions qu’il doit remplir pour espérer le retour de son enfant à la maison, ce qui est généralement l’objectif”. Or, le manque de suivi et de clarté laisse les parents dans l’ignorance, ce qui compromet les possibilités de réunification.

Les statistiques présentées sont alarmantes :

  • En 2023, près de 1 000 enfants ont été placés pendant au moins une journée.
  • En mai 2024, 82 enfants étaient toujours en attente d’un placement en famille d’accueil en raison d’un manque de places disponibles.

Ces chiffres sont le reflet d’un système poussé à ses limites, où les enfants sont pris dans l’incertitude.

Carlos Sequeira, directeur général de l’Office de l’enfance et de la jeunesse, a noté que si davantage de familles sont soutenues par rapport à il y a quelques années, la qualité de ce soutien reste insuffisante. Il a souligné un problème flagrant : le nombre insuffisant de points de rencontre parents-enfants, qui isolent encore davantage les familles au cours d’un processus déjà traumatisant.

Pourtant, au lieu de s’attaquer de front à ces problèmes, le système semble perpétuer des cycles de séparation et de désengagement.

Un mécanisme conçu pour aider, mais qui fait mal

Les mécanismes juridiques temporaires, tels que les mesures superprovisionnelles, devraient être de courte durée. Cependant, dans la pratique, ces mesures s’éternisent souvent pendant des mois, ajoutant une pression émotionnelle inutile aux familles.

Cela résonne profondément avec mon histoire personnelle. À la suite d’une mesure superprovisionnelle, j’ai été séparée de mon enfant – une expérience qui ne devait durer que peu de temps. Au lieu de cela, elle s’est étendue sur une période stupéfiante de 10 mois avant que je n’aie mon premier contact avec mon enfant. Pendant près d’un an, mon enfant et moi avons été séparés, sans possibilité de maintenir le lien si essentiel à son bien-être et à son développement.

Ce retard n’était pas dû à la complexité de mon cas, mais plutôt à l’inefficacité du système. La liste d’attente pour une simple rencontre parent-enfant pendant le placement d’un enfant en dit long sur l’incapacité du système à donner la priorité à ce qui compte le plus : la santé émotionnelle et psychologique de l’enfant.

Un système défectueux avec des priorités mal alignées

Bien que des centaines de personnes travaillent au sein du SEASP et du SPMi, l’allocation des ressources et l’organisation de leurs efforts restent profondément défectueuses. Les familles en crise sont confrontées à des temps d’attente prolongés, à une communication insuffisante et à un manque général d’attention individualisée à leur situation unique.

Les travailleurs sociaux, bien que dévoués, sont submergés par une charge de travail excessive, ce qui laisse peu de place à une enquête approfondie ou à un engagement significatif avec les familles. Cela a une incidence sur la qualité de leurs décisions, qui, à leur tour, ont un effet dévastateur sur les familles. La Cour des comptes a noté que le manque d’installations adéquates, telles que des espaces de rencontre pour les parents et les enfants, ne fait qu’exacerber ces difficultés.

Un système truqué contre les pères

La dépendance excessive du système à l’égard des tribunaux pour résoudre les litiges ajoute au dysfonctionnement. Toutes les affaires semblent finir devant les tribunaux, que les demandes aient ou non fait l’objet d’une enquête approfondie. Cela entraîne des retards inutiles et fausse souvent les résultats au détriment des pères, qui subissent de manière disproportionnée les conséquences de ces procédures défectueuses.

De nombreux pères, dont je fais partie, sont confrontés à des préjugés systémiques qui entraînent une séparation prolongée d’avec leurs enfants. Le système est souvent manipulé par ceux qui recherchent un gain financier plutôt que de donner la priorité à l’intérêt supérieur de l’enfant. Les avocats qui représentent les mères exploitent souvent ce déséquilibre, tirant parti du système pour obtenir une aide financière tout en ignorant les besoins émotionnels de l’enfant et les contributions des pères. Ce faisant, les avocats en tirent également un énorme profit.

Ce qui doit changer

Les échecs du SEASP et du SPMi ne sont pas de simples oublis administratifs – ils détruisent des vies. Pour remédier à ces problèmes systémiques, les réformes suivantes doivent être mises en œuvre :

  1. Des délais stricts pour les mesures provisoires : Les mécanismes tels que la mesure superprovisionnelle doivent être limités dans le temps, afin que les familles ne soient pas laissées dans une incertitude prolongée.
  2. Donner la priorité à la réunification parents-enfants : Augmenter le nombre d’espaces de rencontre parents-enfants et améliorer la communication entre les services sociaux et les familles.
  3. Amélioration de l’allocation des ressources : Les travailleurs sociaux ont besoin d’un soutien accru, d’une meilleure formation et d’une charge de travail gérable pour traiter efficacement les cas complexes.
  4. Systèmes d’assurance qualité : Mettez en œuvre des processus d’assurance qualité afin de garantir que chaque dossier est traité de manière équitable et approfondie, en se concentrant sur l’intérêt supérieur de l’enfant.
  5. Réforme judiciaire : Réduire la dépendance à l’égard des tribunaux en introduisant des mécanismes solides de résolution précontentieuse fondés sur des enquêtes approfondies.

Conclusion : Pour l’amour des enfants

Les conclusions de la Cour des comptes, associées à des expériences personnelles comme la mienne, soulignent l’urgence d’une réforme systémique. Les enfants ne devraient pas avoir à subir des séparations prolongées de leur famille en raison d’un manque d’efficacité ou d’une mauvaise gestion.

Si nous tenons vraiment au bien-être de nos enfants, nous devons exiger mieux des services sociaux. Leur objectif premier devrait être de protéger et d’élever – et non de déchirer – les familles qu’ils sont chargés d’aider. Les enjeux sont trop importants et le coût de l’inaction est bien trop élevé. Il est temps de donner la priorité aux enfants et aux familles.